Les gouvernements du monde entier promeuvent une « révolution verte » dans le noble but de décarboniser l’économie. Si l’objectif de réduction des émissions de carbone et de lutte contre le changement climatique semble louable, il est essentiel d’examiner les méthodes employées pour atteindre ce but. Bien que les intentions qui sous-tendent ces initiatives soient positives, les moyens mis en œuvre peuvent parfois avoir des conséquences inattendues qui peuvent causer plus de mal que de bien, en particulier pour les communautés marginalisées, les autochtones et la nature.
Ce phénomène, souvent appelé « colonialisme vert », met en évidence les injustices socio-économiques et environnementales qui surviennent lorsque des initiatives vertes sont mises en œuvre sans que leurs impacts plus larges soient suffisamment pris en compte. Il est essentiel d’examiner ces dynamiques pour s’assurer que la poursuite d’un avenir durable ne perpétue pas par inadvertance l’inégalité et l’exploitation.
La République démocratique du Congo : L’enfant-vedette du colonialisme vert
Il existe une grande disparité entre la richesse des ressources disponibles en République démocratique du Congo et la pauvreté de la majorité de sa population. Le pays possède d’importants gisements d’or, de cuivre, de diamants, de pétrole, d’uranium, de manganèse, d’argent, de zinc, d’étain, de cobalt et de coltan. Les richesses minières de la République démocratique du Congo sont estimées à environ 24 000 milliards de dollars américains. Cependant, les gains de l’industrie minière ne profitent pas à la majorité de la population. En outre, l’extraction provoque une grave dégradation de l’environnement, qui nuit également à la population congolaise.
Les entreprises d’État chinoises ont signé des contrats “ressources contre infrastructures” avec les autorités congolaises pour avoir accès aux minerais. Les investissements étrangers ont considérablement augmenté dans les années 2000 ; ils se sont intensifiés ces dernières années en raison des besoins en batteries et en composants d’énergie renouvelable dans le cadre de la “transition verte”. En 2023, l’UE a investi 50 millions d’euros dans des projets miniers et d’infrastructures en République démocratique du Congo. L’objectif déclaré est “d’accéder aux matières premières essentielles de manière durable tout en soutenant la préservation de la biodiversité, le développement humain et une démocratie pacifique”. Cependant, les bénéfices de ces investissements atteignent rarement le peuple congolais. La majorité de la population vit dans l’extrême pauvreté, 63 % d’entre elle vivant en dessous du seuil de pauvreté national de 1 dollar par jour, avec un accès limité à l’eau potable et à l’électricité, un faible taux d’achèvement des études secondaires et des problèmes de santé tels que le paludisme, le VIH/sida et des taux élevés de mortalité infantile. Un rapport publié en 2023 par Amnesty International et l’Initiative pour la Bonne Gouvernance et les Droits Humains (IBGDH) a mis en évidence de graves violations des droits de l’homme liées à l’expansion des mines industrielles, notamment l’expulsion forcée, le travail des enfants, les agressions sexuelles et d’autres formes de violence.
L’importance d’une transition verte équitable
L’urgence de la crise climatique impose d’intensifier les efforts d’atténuation du changement climatique. Toutefois, la justice climatique doit englober la justice pour toutes les parties concernées. La décarbonisation ne peut se justifier si elle perpétue les violations des droits de l’homme et la dégradation environnementale à grande échelle causée par l’expansion des mines. Si le changement climatique constitue une menace grave pour la vie sur Terre, d’autres problèmes environnementaux tels que la déforestation, la perte de biodiversité, la diminution de l’eau potable et la perte de terres fertiles menacent également la vie sur Terre. La déforestation due au défrichement des terres pour l’exploitation minière contribue de manière significative à la perte d’habitats essentiels et de biodiversité. Les déchets dangereux provenant de l’exploitation minière aggravent également les souffrances humaines en raison de la contamination du sol, de l’air et de l’eau dans la région. La pollution due aux déchets miniers crée de graves risques pour la santé des communautés locales et rend de vastes zones de terre infertiles.
Remettre les pendules à l’heure concernant le discours vert
Le discours dominant est que l’extraction minière et les technologies sont nécessaires à la révolution verte. Les bénéficiaires de ce discours sont les capitalistes et les entreprises qui profitent des nouvelles technologies, tandis que les travailleurs qui extraient les matières premières souffrent de bas salaires et de mauvaises conditions de travail. À bien des égards, nous vivons dans une version moderne de la dynamique coloniale. En d’autres termes, les ressources du Sud alimentent l’appétit du Nord industrialisé. Ce qui a changé, c’est que les acteurs émergents du Sud, comme la Chine, se comportent désormais comme ceux du Nord.
De mon point de vue, la révolution verte peut être considérée comme une façon pour le capitalisme de changer d’image et de se recentrer en réponse aux changements sociétaux. Il est facile pour les hommes politiques et les décideurs de vendre cette “révolution” comme une entreprise positive et comme une solution à la menace que représente le changement climatique. Toutefois, je soutiens qu’il ne faut pas oublier ses aspects secondaires, tels que la souffrance humaine liée à l’extraction des ressources et la destruction de la nature. Pour parvenir à une véritable justice climatique, les nations riches et très polluantes doivent s’attaquer au moteur sous-jacent du changement climatique et en assumer la responsabilité : la surconsommation. La transition verte est désormais utilisée comme une stratégie de légitimation pour poursuivre la consommation actuelle et maintenir le statu quo. Les modes de vie non durables des habitants du Nord et de plus en plus de ceux des marchés émergents du Sud sont maintenus aux dépens de la nature et des populations de pays comme la République démocratique du Congo dans le cadre de ce nouveau colonialisme vert.
Des pistes pour l’avenir
Je ne prétends pas avoir toutes les réponses. Les défis liés à la transition écologique sont multiples et nécessitent un niveau de coordination mondiale qui sera difficile à atteindre, en particulier compte tenu des tendances géopolitiques actuelles. Toutefois, certaines mesures peuvent être prises pour en atténuer les effets négatifs.
Tout d’abord, les gouvernements des pays du Sud doivent s’attaquer sérieusement à la corruption et à l’amélioration de l’État de droit. Alors que nous reprochons souvent aux entreprises et aux gouvernements occidentaux leurs pratiques extractives proches du néocolonialisme, il est important de demander des comptes aux gouvernements des pays en développement. Après tout, ce sont eux qui fixent les règles dans leur pays. Et même si les structures des ordres mondiaux les désavantagent souvent à la table des négociations, cela ne constitue pas une excuse pour ne pas lutter contre la corruption.
Deuxièmement, dans le cadre des efforts déployés pour améliorer les règles, les gouvernements africains devraient adopter des lois strictes en matière de protection de l’environnement ; cela fournira un cadre pour la manière dont les sociétés minières mondiales doivent s’engager. En outre, les sociétés minières internationales devraient faire de la responsabilité sociale des entreprises la pierre angulaire de leur engagement et non pas simplement un effort de relations publiques. Une part importante de leurs bénéfices devrait être réinvestie dans les communautés locales, avec des mesures et des objectifs clairs en matière d’impact. L’investissement direct étranger peut être vertueux, à condition que toutes les parties bénéficient de la relation.
Enfin, les consommateurs de produits finis, en particulier dans les pays occidentaux, devraient faire des recherches et aller au-delà des solutions faciles telles que le boycott ou la dénonciation des entreprises pour le manque de transparence dans la chaîne d’approvisionnement. Les premières victimes d’un tel comportement des consommateurs sont souvent les communautés des régions minières pauvres. Il importe plutôt de réparer la chaîne d’approvisionnement et de la rendre transparente, tout en offrant aux communautés une voie vers l’exploitation minière durable. Nous avons tous la responsabilité de faire notre part. Pointer du doigt ne résoudra aucun problème, c’est l’action collective qui le fera.
Governments worldwide are promoting a “green revolution” with the noble aim of decarbonisation. Although the intentions behind this idea are positive, the means to this end can sometimes result in unintended consequences that may cause more harm than good, particularly for marginalized groups, indigenous communities and nature.
This phenomenon, often referred to as “green colonialism,” highlights the socio-economic and environmental injustices that arise when green initiatives are implemented without adequate consideration of their broader impacts. It is crucial to examine these dynamics to ensure that pursuing a sustainable future does not inadvertently perpetuate inequality and exploitation.
The Democratic Republic of Congo: The Poster Child of Green Colonialism
There is a large disparity between the resource wealth available in the D.R. Congo and the poverty of most of its population. The nation has large deposits of gold, copper, diamonds, oil, uranium, manganese, silver, zinc, tin, cobalt, and coltan. The mineral wealth in the D.R. Congo is estimated to be worth approximately 24 trillion US dollars. However, the mining industry’s gains do not benefit most of the population. Additionally, extraction is causing severe environmental degradation, which also harms the Congolese people.
Chinese state enterprises have signed ‘resource-for-infrastructure’ contracts with Congolese authorities to gain access to the minerals. Foreign investment significantly increased in the 2000s; this has intensified given the need for battery- and renewable energy components for the ‘green transition’ in recent years. In 2023, the EU invested €50 million in mining and infrastructure projects in the D.R. Congo. Their stated aim is “to gain access to the critical raw materials sustainably while supporting biodiversity preservation, human development, and a peaceful democracy.” However, the benefits of these investments rarely reach the Congolese people. Most of the population lives in extreme poverty, with 63% living below the national poverty line of $1 per day, alongside limited access to clean water and electricity, low secondary school completion rates, and health issues such as malaria, HIV/AIDS, and high infant mortality rates. A 2023 report by Amnesty International and Initiative pour la Bonne Gouvernance et les Droits Humains (IBGDH) highlighted severe human rights abuses linked to the expansion of industrial mines, including forced eviction, child labour, sexual assault, and other forms of violence.
The Importance of an Equitable Green Transition
The urgency of the climate crisis necessitates increased climate mitigation efforts. However, climate justice must encompass justice for all parties involved. Decarbonisation cannot be justified if it perpetuates human rights violations and large-scale environmental degradation caused by expanding mines. While climate change poses a critical threat to life on Earth, other environmental issues such as deforestation, biodiversity loss, decline in clean water, and loss of fertile lands also threaten life on Earth. Deforestation due to land clearance for mining operations significantly contributes to the loss of critical habitats and biodiversity. Hazardous waste from mining is also furthering human suffering due to contamination of soil, air, and water in the region. The pollution from mining waste creates severe health risks for local communities and renders large areas of land infertile.
Setting the record straight on the green narrative
The prevailing narrative is that mineral extraction and technologies are necessary for the green revolution. The beneficiaries of this narrative are the capitalists and companies profiting from new technologies, while the workers extracting the raw materials suffer from low wages and poor working conditions. In many ways, we live in a modern version of the colonial dynamics. Simply put, resources in the global south feed the appetite of the industrialised global north. What has changed is you now have emerging players in the South like China behaving like those in the North.
From my point of view, the green revolution can be seen as a way capitalism is rebranding and refocusing in response to societal changes. It is easy for politicians and policymakers to sell this “revolution” as a positive endeavour and as a solution to the threat climate change poses. However, I contend that its sides, such as human suffering connected to resource extraction, and the destruction of nature must not be forgotten. To achieve true climate justice, wealthy and high-polluting nations must address and take responsibility for the underlying driver of climate change: overconsumption. The green transition is now being used as a legitimization strategy to continue current consumption and maintain the status quo. The unsustainable ways of living of the inhabitants of the Global North and increasingly of those in emerging markets of the Global South are being sustained at the expense of nature and the people of countries like the Democratic Republic of Congo under this new green colonialism.
Ways Forward
I don’t profess to have all the answers. The challenges surrounding the green transition are multi-faceted and require a level of global coordination that will be hard to achieve, particularly given current geopolitical trends. However, there are steps that can be taken to mitigate its adverse effects. For starters, governments in the Global South need to be serious about corruption and improving the rule of law. While we often shame corporations and Western governments for their extractive practices akin to neocolonialism, it is important to hold governments in developing nations accountable too. After all, they set the rules in their country. And even though the structures of the global orders often put them at a disadvantage at the negotiating table, this doesn’t constitute an excuse not to clamp down on corruption. Secondly, as part of the push for better rules, African governments should enact strong environmental protection laws; this will provide a framework for how global mining companies have to engage. In addition, global mining companies ought to make corporate social responsibility a cornerstone of their engagement and not simply a PR endeavour. A significant portion of their profits should be reinvested in local communities with clear impact metrics and targets. Foreign direct investment can be virtuous, provided all parties benefit from the relationship. Finally, consumers of finished products, particularly in the West, should do their research and go beyond easy solutions such as boycotting or shaming companies for the lack of transparency in the supply chain. The first victims of such consumer behaviour are often the communities in poor mining areas. Rather, it is important to fix the supply chain and make it transparent while providing a path to sustainable mining for communities. We all have a responsibility to do our part. Pointing fingers will not solve any problem, but collective action will.