La République démocratique du Congo fait face, depuis plus de deux décennies, à des agressions répétées de la part de ses voisins, une réalité documentée par de nombreux observateurs internationaux. Face à cette situation, un État dispose conventionnellement de deux options stratégiques : la mise en œuvre d’une défense active ou la concession territoriale. Cependant, le gouvernement congolais semble avoir développé une approche alternative : la dénonciation systématique sans action concrète. Je propose d’analyser cette stratégie singulière et d’en évaluer les implications pour la souveraineté nationale.
Acte I : L’art du déni de responsabilité
La première composante de cette stratégie consiste en l’élaboration d’un discours visant à déplacer la responsabilité des échecs sécuritaires. Le gouvernement s’efforce ainsi de construire un récit historique où les difficultés actuelles sont présentées comme l’héritage inévitable des erreurs passées. Cette approche contraste singulièrement avec les promesses électorales ambitieuses, notamment celle d’une riposte militaire décisive contre les agresseurs. Six ans après leur prise de fonction, les autorités persistent à localiser ailleurs les sources de leur inefficacité. Cette rhétorique, bien que simpliste, trouve un écho favorable dans un contexte marqué par l’affaiblissement du débat public et le désengagement moral d’une partie des élites. Néanmoins, l’aggravation des conditions socio-économiques et la persistance de l’insécurité conduisent une fraction croissante de la population à remettre en question la pertinence de cette orientation politique.
Acte II : L’instrumentalisation du statut de victime
La diplomatie congolaise a fait de la dénonciation du Rwanda son leitmotiv principal. Cette focalisation soulève pourtant des interrogations : comment la RDC, disposant d’une superficie quatre-vingts-dix fois supérieure et d’une population huit fois plus importante que son voisin, ne parvient-elle pas à élaborer une stratégie de défense efficace ? L’absence de politique sécuritaire cohérente semble corrélée à une gestion déficiente des ressources publiques, compromettant la capacité opérationnelle des forces armées. Dans ce contexte, le gouvernement privilégie une stratégie de communication axée sur la victimisation. La communauté internationale observe, entre perplexité et embarras, cette succession de déclarations relayées par les médias d’Etat et “l’armée numérique” du parti au pouvoir. Du président aux ministres, le discours demeure invariable, centré sur la dénonciation des agressions externes. Cette rhétorique tend a brouiller les pistes. Néanmoins, plusieurs signaux montrent que le public, et la jeunesse en particulier, commencent à s’impatienter face à la faiblesse apparente du gouvernement qui ne semble avoir aucune réponse concrète à apporter.
Acte III : La diversion politique
La stratégie gouvernementale ne se limite pas à la victimisation et à la désignation de responsables externes. Elle intègre également une dimension de diversion de l’attention publique. Plus l’inefficacité de la réponse militaire devient manifeste, plus les manœuvres de diversion s’intensifient. Ainsi, face à l’avancée des forces hostiles et alors que la mauvaise allocation des ressources compromet la capacité de défense nationale, le pouvoir initie des débats constitutionnels inattendus. Cette tactique, aussi inopportune que sournoise, parvient à détourner partiellement l’attention médiatique des enjeux sécuritaires.
Conclusion
L’analyse de la stratégie gouvernementale révèle une approche qui, privilégiant la rhétorique à l’action, compromet gravement la souveraineté nationale. Cette situation soulève des questions fondamentales sur la viabilité à long terme de cette politique et sur la capacité de l’État à assurer ses fonctions régaliennes. Il devient impératif pour la société civile congolaise d’exiger une réorientation stratégique majeure, incluant le développement d’une politique de défense efficace et une gestion plus rigoureuse des ressources nationales. L’avenir de la RDC dépendra de sa capacité à dépasser le stade de la dénonciation pour construire une réponse structurée aux défis sécuritaires qui la menacent.