Retourner chez soi pour construire

Returning Home to Build

par Nohémie Mawaka 18 Avr 2024

Est-ce moi, ou y a-t-il une vague de retour de la diaspora sur le continent africain? Nombreux sont ceux qui, désireux de créer des entreprises visant à changer la société, s’inscrivent dans cette tendance. Celle-ci pourrait être influencée par le phénomène nord-américain du “quiet quitting” ou par un désenchantement général de la vie en Occident de la part d’un nombre grandissant d’enfants d’immigrés. Personnellement, en tant qu’immigré congolais ayant grandi loin du pays, j’ai finalement pris conscience, comme beaucoup d’autres, que la République démocratique du Congo (RDC) est une terre d’opportunités, indépendamment de ses troubles géopolitiques. Poussé par mon esprit d’entreprise, j’ai pris la décision de quitter mon emploi dans la Silicon Valley, de faire une seule valise, de prendre mon chien et de me rendre à Kinshasa en aller simple.

Réalité et imagination

Avec le recul, j’ai peut-être idéalisé le processus. Le chemin qui mène à l’identification d’un problème, à la recherche d’une solution et à la mise en place d’une entreprise est semé d’embûches. Et cela est d’autant plus vrai au Congo. Il y a les problèmes structurels classiques : la corruption, des infrastructures minimales, une bureaucratie du secteur public douloureusement lente et un environnement commercial difficile. Mais pour moi, le pire est de voir des étrangers prospérer au Congo grâce aux systèmes de soutien qu’ils ont créés, alors que les Congolais font preuve de peu de solidarité les uns envers les autres. Qu’à cela ne tienne, malgré ces défis, une voix au fond de moi insiste pour que je persiste dans l’entrepreneuriat au Congo.

En effet, si les défis sont nombreux, les opportunités le sont tout autant. Quasiment tous les secteurs de l’économie congolaise ont besoin d’innovation. Je me suis donc retroussé les manches et j’ai lancé deux entreprises en 2023 : une startup technologique à Kinshasa et une entreprise agricole dans la région reculée du Bandundu. Ce fut ma première erreur. Rétrospectivement, cette première année aurait dû être consacrée à la réalisation d’études de marché sur le terrain afin de comprendre les besoins et les habitudes de consommation de la population locale, plutôt que d’aborder les problèmes avec un préjugé occidental. Une fois que je me suis déprogrammée et que j’ai recadré ma thèse, j’ai commencé à faire de bons progrès. J’ai compris que la maîtrise des rouages du secteur public était cruciale pour la réussite d’une entreprise, en particulier pour l’obtention de la documentation appropriée. Par la suite, j’ai commencé à nouer des relations avec des personnes partageant la même vision de l’innovation en RDC. C’est à ce moment-là que Kinshasa est véritablement devenu mon chez moi. 

L’exécution de mes idées

Les difficultés que j’ai rencontrées au départ ont servi de base à ma première entreprise locale, Kinspot.co. Il s’agit d’une application qui aide les utilisateurs à explorer la ville de Kinshasa : des restaurants à la vie nocturne, en passant par les salons de coiffure et même l’immobilier. L’application soutient l’écosystème local en promouvant les petites entreprises. Elle promeut également l’industrie du tourisme congolais.

Je me suis ensuite tourné vers l’agriculture. Sous l’égide de Martin Groupe (MG), une entreprise familiale créée par mon père, j’ai lancé une marque de miel, Lubembo.co. MG Group est né du désir de mon père de développer sa province natale du Bandundu et de s’attaquer au problème de l’insécurité alimentaire en RDC. Ensemble, nous produisons de l’huile de palme, du miel de forêt, du maïs et du poisson sur notre terre ancestrale. Nous nous attaquons également à la distribution par le biais du transport commercial. À ce jour, nos activités soutiennent plus de 40 personnes dans la région de Mbanza Wamba, dans le Bandundu, où se trouve notre ferme. Récemment, nous avons obtenu un financement pour construire une route de 70 km reliant la route nationale à notre ferme afin de faciliter le transport de nos marchandises et de celles des entreprises voisines.

Bien évidemment ces deux entreprises ont dû relever plusieurs défis. L’accès au capital est difficile, et la gestion de l’agriculture dans une région isolée, ainsi que l’aménagement du territoire, exigent un mélange unique de courage et de patience. Cependant, le développement économique et l’impact que nous avons constatés jusqu’à présent nous donne de l’espoir. À tous ceux qui souhaitent suivre une voie similaire, je conseille vivement d’embaucher un avocat local crédible. Dans l’agriculture, en particulier dans les zones rurales, pour acquérir des terres, vous devrez négocier avec les chefs coutumiers locaux et les membres des communautés environnantes. Ils opèrent souvent en dehors des normes commerciales internationales officielles. L’un des points communs est qu’ils augmentent souvent les prix par crainte de se faire abuser. C’est compréhensible, compte tenu de ce qu’ils ont vécu dans le passé avec des gens peu scrupuleux. D’autant plus que la terre est le seul type d’actif qu’ils possèdent, bien qu’ils ne la cultivent ni ne l’utilisent. Ainsi sont les nuances locales auxquelles il faut s’adapter.

Le déficit de talents

Au-delà du manque de formalité dans les affaires, le talent est un autre facteur important à prendre en compte. La triste réalité de la RDC est que les talents qualifiés, de la technologie à la production agricole, sont rares. J’ai dû faire appel à des sous-traitants étrangers pour des travaux de conseil scientifique, tout en investissant beaucoup de temps dans la formation de talents locaux pour les tâches plus basiques. Malgré tous ces obstacles, je continue à croire qu’avec de la persévérance et en travaillant avec des personnes partageant les mêmes idées et possédant une solide expérience du secteur privé, nous avons un bel avenir devant nous.

Je reste optimiste

La RDC est un pays qui regorge d’opportunités. Comment réussir ? En menant des recherches approfondies sur le terrain, en éliminant tout préjugé personnel et toute perspective occidentale, en s’adaptant et, surtout, en aimant et en appréciant notre pays et son peuple. Un avenir brillant nous attend, mais nous devons tous commencer à préparer le terrain dès maintenant.

Nohémie Mawaka

Is it just me, or is there a noticeable wave of the diaspora returning to the African continent? Many, eager to start businesses aimed at societal change, are part of this trend. This movement might be influenced by the North American trend of ‘quiet quitting’ or by a general disenchantment with life in the West by many children of immigrants. As a native Congolese immigrant who grew up in the West, I, like many others, now clearly see the Democratic Republic of Congo (DRC) as a land of opportunity, irrespective of its geopolitical turmoils. Driven by my entrepreneurial spirit, I made the decision to leave my job in Silicon Valley, pack a single suitcase, take my dog, and head to Kinshasa.

Reality vs. Fantasy

Looking back, I might have idealized the process. The path to identifying a problem, finding a solution, and implementing a business is particularly treacherous in Congo. There are the usual suspects: corruption, minimal infrastructure, a painfully slow public sector bureaucracy, and a challenging business environment. But for me, the worst part is seeing foreigners thrive in Congo thanks to the support systems they built, while Congolese show little solidarity towards one another. But despite these challenges, a voice inside me insists on persisting with my business ventures in Congo.

Indeed, while there are challenges, opportunities are abundant. Virtually every sector of the congolese economy needs massive disruption. So I rolled up my sleeves and aimed to launch two businesses in 2023: a tech startup in Kinshasa and an agricultural business in the remote Bandundu region. This was my first mistake. In retrospect that first year should have been devoted to conducting on-the-ground market research to understand the local population’s needs and consumption habits, rather than approaching problems with a top down approach and a Western bias. Once I deprogrammed myself and reframed my thesis I began to make good progress. I understood how navigating the public sector was crucial for business success, particularly for obtaining the appropriate documentation. Subsequently, I started building relationships with like-minded individuals who shared my vision for innovating in the DRC. That made Kinshasa feel more like home.

Executing My Ideas

The difficulty I initially experienced provided the basis for my first local venture, Kinspot.co. Think of it as an app to help users navigate all things Kinshasa: from restaurants to nightlife, to salons and even real estate. The app supports the local ecosystem by promoting local small Congolese businesses. It also promotes the Congolese tourism industry.

I subsequently turned my focus to agriculture. Under the umbrella of the Martin Groupe (MG), a family-owned business started by my father, I launched a honey brand, Lubembo.co. MG Group was born out of my father’s desire to develop his home province of Bandundu and to address the food insecurity issue in the DRC. Together we are spearheading the production of palm oil, forest honey, corn, and fish in our ancestral home. We are also tackling distribution with commercial transport. To date, we have provided over 40 with a steady income in the Mbanza Wamba region of Bandundu, where our farm is located. Recently, we secured funding to build a 70KM road connecting the national road to our farm to ease the transport of our goods and those of nearby businesses.

Both ventures have come with several challenges. Access to capital is difficult, and managing agriculture in a remote region, as well as land development, requires a unique mix of grit and zen. However, the economic development and impact we’ve seen to date have truly been the most rewarding. For anyone wanting to pursue a similar route, I highly advise investing in a credible local lawyer. In agriculture, especially in rural areas, to acquire land, you will have to navigate negotiating with local leaders dubbed ‘chef coutumier’ and nearby community members. They often operate outside of formal global business standards. One common theme is they often jack up prices out of fear of being taken advantage of. This is understandable, given what they have seen in the past, and because land is the only form of asset they have, although it’s neither cultivated nor utilized. But such are the local nuances one has to adapt to. 

The Talent Gap

Beyond the lack of formality in business, talent is another important factor to consider. The sad reality of the DRC is that qualified talent, from tech to agriculture production, is scarce. I’ve had to resort to foreign contractors for scientific advisory work, while investing a lot of time in training local talent for entry-level work. Despite all these hurdles, I continue to have faith that with perseverance, and working with like-minded folks with strong private sector experience, we have a bright future ahead of us.

Parting thoughts of optimism

The DRC is a land brimming with opportunities. How can one succeed? Conduct thorough research on the ground, remove any personal biases and Western perspectives, adapt, and most importantly, love and appreciate our country and people for their growing potential. We have a bright future ahead of us but we all need to start paving the way for it now.

Nohémie Mawaka

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