Des routes pour mettre fin à la guerre

par Christian Endundo 18 Oct 2023

L’établissement d’un réseau routier peut donner la capacité à un pouvoir central d’établir des relations sociales, administratives et militaires avec les gouvernés. L’absence de réseaux nationaux transfère ces capacités aux institutions régionales, quelle que soit leur légitimité. Les routes permettent non seulement à un État central de maintenir le contrôle de ses administrés, mais donnent aussi des raisons aux administrés de ne pas se révolter contre l’autorité centrale.

Les routes comme vecteur de l’unité nationale 

Historiquement, les premières raisons motivant la création des routes étaient d’ordre commercial et économique. Cette importance économique des routes sera confirmée à plusieurs reprises dans l’histoire. Sous Louis XIV par exemple, le Premier ministre Jean-Baptiste Colbert lança entre 1661 et 1663 un programme de construction et de maintenance des routes chapeauté par un corps de techniciens spécialisés et hiérarchisés. Ce corps, qui est l’ancêtre du Ministère des Travaux Publics, avait pour but de construire un réseau dans le but de contribuer à la relance commerciale et industrielle de la France.

Une autre raison pour la création de routes est la création d’une cohésion culturelle au sein d’une nation, ou autrement dit, un sens d’appartenance. Les nazis allemands et leurs adversaires américains l’avaient bien compris. Leur programme routier avait aussi pour objectif de créer cette cohésion. En effet, la création de routes développe le tourisme intérieur, les échanges culturels et les relations sociales entre les peuples. Ces trois aspects créent un sentiment d’appartenance nationale.

A titre d’illustration, on peut concevoir la difficulté pour des leaders locaux de promouvoir la révolte de leur population contre l’État et les provinces voisines quand leurs populations bénéficient d’avantages économiques, culturels et sociaux avec l’État central et leurs provinces voisines.

Le système National de routes inter Etats et de défense américain en 1958

L’exemple du Maryland et des pays développés 

Accepter l’idée de l’importance d’un réseau national routier de qualité soulève la question de savoir comment construire ce réseau. Aux États-Unis ou j’ai longtemps vécu, l’État du Maryland, qui dispose d’un produit intérieur brut de 470 milliards de dollars US, une population de 6,1 millions de personnes et une superficie de 32 271 km2, a choisi une stratégie s’appuyant sur un principe simple de standardisation. Car bien que le Maryland dispose des meilleures techniques de construction routière, il ne dispose pas des ressources financières et en personnel nécessaires pour maintenir une qualité uniforme dans l’ensemble de son réseau. Dès lors, la stratégie du Maryland a été la création de standards de construction de base uniforme pour son territoire avec la création d’un ordre de capacité et de priorité pour le maintien des routes.

Cette stratégie est commune pour les États économiquement et technologiquement avancés. Cette approche implique que suivant le trafic supporté par une route et suivant son importance pour l’État, cette route se verra accorder un nombre établi de voies et une certaine durée de vie, et que les mêmes techniques et matériaux de construction seront utilisés pour toutes les routes. Cette approche conduit à la construction de routes nationales, primaires, secondaires et tertiaires. Ce système fonctionne convenablement pour le Maryland et les États occidentaux qui ont des capacités économiques et technologiques similaires.

La singularité de la RDC 

Le cas congolais doit, selon moi, être traité différemment. Le Congo a un produit intérieur brut de 55,7 milliards de dollars US, une superficie de 2 345 410 km2 et une population estimée à 110 millions. A titre de comparaison: avec approximativement 1/9 de la capacité de production financière du Maryland, le Congo doit gérer une population et une superficie respectivement 17 et 72 fois plus grandes que ce dernier. Il est donc, en l’état actuel, difficile pour la RDC de maintenir un réseau routier similaire à celui du Maryland.

Le pont Matadi (ou pont Maréchal) est un pont suspendu mixte rail-route se trouvant à Matadi dans le Sud-Ouest de la RDC

Des pistes de solutions pour la RDC 

La politique de développement routier de la RDC devrait être basée sur ses limitations et ses capacités existantes en se concentrant sur la création des ressources manquantes et leur distribution entre les provinces. Un processus de création d’un standard national de construction routière devrait être implémenté à travers des discussions entre les institutions de l’État, les entreprises privées et les populations. 

Ce processus est déjà en gestation à travers des plateformes telles que l’Expo béton et Indaba. Il doit cependant être renforcé et devenir plus spécifique par le soutien de l’État. L’importance de la création de telles infrastructures devrait être communiquée à la population afin qu’elle s’imprègne de ses potentiels bénéfices. 

Les leaders politiques ne devraient plus développer des visions qui micro-managent la réalisation des projets. Ils devraient plutôt établir des visions plus qualitatives et génériques en laissant les contraintes quantitatives et numériques aux technocrates qui sont leurs subalternes ainsi qu’au secteur privé. Ce type de gestion s’inspire de la philosophie de gestion s’appelant “la mission commande“. Un principe selon lequel les responsabilités sont clairement identifiées et l’exécution est opérée de manière rigoureuse selon un ordre bien établi.

De plus, il faudrait également considérer et formuler une multitude de méthodes de construction routières correspondant aux capacités congolaises et qui couvriront la taille, les matériaux, la technique, le type, la durée de vie et le système de maintenance des routes. En somme, l’État devra associer son programme de développement routier avec son programme d’aménagement immobilier et de création des zones économiques. Cette association générera des revenus pour l’État à travers un ensemble de taxes, de péages et d’investissements, ajoutant aux capacités financières, matérielles, technologiques et en personnel du Congo. 

La clé de la paix

La création d’un réseau routier congolais de qualité permettra une stabilisation sécuritaire, un meilleur contrôle de l’État central et un épanouissement de la population. Néanmoins, son développement exigera, outre la participation de l’Etat, sa réorientation stratégique ainsi que celle des institutions privées. Cela en parallèle d’un effort colossal de sensibilisation des masses congolaises. C’est a ce prix la que nous consoliderons l’unité nationale et serons en mesure de faire face efficacement à toutes vélléiteés guerrière à notre encontre. 

Kimona Endundo

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