La révolution morale

par Milain Fayulu 11 Juil 2019

59 après son indépendance, la République Démocratique du Congo n’a toujours pas décollé. Le diktat du fait accompli y règne en maître absolu, au grand dam de la prééminence de l’idéal de l’esprit sur la matière. Il y a péril en la demeure.  

En effet, notre pays vit une crise de valeurs profonde qui est le fait de l’irresponsabilité de son élite. Cette dernière a décousu le tissu moral de la société congolaise et contribué à la paupérisation de la population en accompagnant les régimes prédateurs qui se sont succédés à la tête de l’État. En conséquence, le congolais lambda manque cruellement de repères et le développement reste pour lui un concept illusoire. Comble du drame, les valeurs judéo-chrétiennes héritées de la colonisation n’arrivent pas à s’ancrer dans les mœurs car trop souvent utilisées à géométrie variable par ceux-là même qui prêchent l’évangile. Cet état de fait constitue une aubaine pour la pléiade de charlatans souvent déguisés en politiciens, pasteurs et autres diseurs de bonnes aventures qui asservissent l’esprit et la pensée du peuple. Constat, les perspectives d’un avenir meilleur sont assombries. “Pessimiste!” me dira-t-on; à ceux-là je répondrais que l’optimisme se nourrit de convictions qui font couramment défaut à notre société. Nous avons besoin d’une thérapie de choc.    

Cette crise morale congolaise est exacerbée par un égoïsme couplé à un manque de vision de leaders non mandatés par le peuple. Cette absence récurrente de légitimité populaire au sein de l’exécutif explique en partie son manque de redevabilité envers le souverain primaire. Ainsi, c’est généralement à travers l’exploitation de l’extrémisme d’un noyau dur de fanatiques que ces fossoyeurs d’espoirs assoient leur autorité contre l’assentiment de la majorité. En résulte un phénomène d’autodestruction inconscient de la collectivité au nom de la préservation d’un pouvoir stérile. Dans cet environnement où  la fourberie est érigée en vertu, l’élite congolaise brille par sa passivité et tend toujours à s’accommoder du statu-quo, d’aucun surnomme, pince sans rire, “stabilité”. On observe au sein de cette supposée élite des voltes faces rhétoriques qui donnent le tournis. Des leaders d’opinions rusent avec la pensée et se cachent habilement derrière des termes plats comme le “pragmatisme” et le “réalisme” pour justifier l’abandon de leur principes. D’autres vont même plus loin en brandissant le spectre de la guerre et du chaos pour excuser leurs transgressions morales. Le Congo serait donc condamné à vivre éternellement dans la misère car la seule alternative à la médiocrité serait le chaos. Nous devons refuser cette fatalité de l’esprit face à la dictature de la réalité imposée.   

C’est pourquoi une révolution morale est désormais urgente dans notre pays. A l’instar de ce qu’a été la révolution des lumières pour l’Occident (n’ayons pas honte de nous en inspirer); elle devra servir de catalyseur pour briser le cycle infernal de l’obscurantisme qui a élu domicile en RDC. Cette révolution de l’esprit et de la pensé devra être impulsée et portée par la jeunesse. Il ne faut rien attendre d’une élite congolaise corrompue et coupable d’un pragmatisme qui perpétue les transgressions les plus graves et qui cache mal la volonté de préserver des intérêts égoïstes pour les uns, et le manque de courage pour les autres. S’il fallait le souligner, c’est depuis 1960 et l’indépendance qu’on vend le pragmatisme aux congolais au nom d’une stabilité qui peine à prendre forme 59 ans après.  

Nous avons cruellement besoin d’un idéal Congolais et il n’aura de support que la force des esprits désireux de le matérialiser. A ce titre, le philosophe français Julien Benda affirmait ceci: “Il faut pour faire réussir à triompher le règne de l’esprit, une passion aussi puissante, plus puissante même que les passions dont sont animés ceux qui asservissent l’esprit à la souveraineté de la matière”.  Nous devons libérer notre esprit et notre pensé, c’est à ce prix-là seulement que le potentiel du Congo sera libéré. Le reste n’est que distraction et perdition.  

Milain Fayulu 

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