L’Affaire des 15 millions ou le sursaut des consciences

par Editorial 17 Oct 2019

Nous ne recenserons pas pour vous ici la longue liste de faits dans cette affaire mais cet article a vocation à vous féliciter. Cela faisait longtemps, chers lecteurs, que chez nous la disparition supposée d’une somme aussi banale que $15 millions de dollars américains n’avait pas causé l’émoi.

Habituellement, la presse congolaise minimise, passe sous silence, ou couvre les détails des affaires, y compris le nom des présumés responsables. Et vous pensez bien que selon que vous soyez riche ou pauvre, aimé ou haï du pouvoir, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir en République Démocratique du Congo. 

L’affaire des 15 millions peut se résumer à quelques points saillants:

    1. 15 millions de dollars d’argent public (représentant 15% de retenue effectuée par l’Etat congolais sur une somme de 100 millions de dollars empruntés par la RDC pour compenser des compagnies de distribution de pétrole pour le gel des prix à la pompe en 2017) étaient destinés à être placés sur un compte de l’état à la Banque Centrale. 
    2. Cependant le ministre de l’économie a demandé que ladite somme soit placée dans une banque privée sur un compte au nom du Comité de suivi des prix pétroliers, présidé par le même ministre.
    3. Depuis ce transfert, il ne reste quasiment plus rien sur ce compte. 14 775 000 dollars américains ayant été retirés en liquide.
    4. L’inspection générale des finances qui dépend du chef de l’Etat (mais qui de par ses statuts est une institution publique qui est indépendante aux niveaux administratifs et financiers) a la prérogative de mener des enquêtes sur la dépense des institutions publiques et le 17 juillet dernier a été alertée sur des soupçons d’irrégularité.
    5. Suite à son enquête, l’inspection générale des finances se tourne vers la Cour de cassation qui suite à sa saisine, ouvre elle aussi une enquête préliminaire. 
    6. En parallèle, l’Agence Nationale de Renseignement lance elle aussi son enquête afin qu’un audit sur les dépenses des ministères depuis l’investiture du Président de la République soit réalisé. Une enquête que le directeur de cabinet du Président Tshisekedi arrête en août 2019. 
    7. En septembre, Vital Kamerhe empêche la poursuite d’une troisième enquête (visant cette fois des missions de contrôle ciblant cinq sociétés dont Bralima et Bracongo, suite à une réclamation de la Fédération des entreprises du Congo). 

Notons que cette chronologie des faits repose entièrement sur la publication sur le même sujet de RFI. 

Les faits précités sont importants pour vous mais surtout pour la justice à qui il incombe de trouver les responsables et de les juger au nom du peuple congolais pour des crimes dont, in fine, les victimes ne sont autres que nous tous citoyennes et citoyens de ce pays. 

Dans cette affaire des 15 millions votre droit de vous indigner contre l’injustice qui vous est faite à chaque fois qu’un seul denier public est utilisé à des fins illicites aura été, au moins partiellement, restauré parce que la presse a joué son rôle. Un rôle essentiel pour que nos populations soient informées et puissent s’assurer que leurs dirigeants leur restent redevables. 

Chers lecteurs, vous vous demandiez pourquoi nous vous félicitions d’entrée de jeu dans cette histoire de corruption. Vous le savez maintenant : bravo !

Bravo à ceux d’entre vous dans la fonction publique qui sont au coeur de cette enquête, à ceux dans la presse qui nous en informent et à vous tous dont l’engouement pour cette affaire (sordide) témoigne d’un sursaut des consciences.

Il faut donc croire qu’après les élections de janvier dernier, votre vigilance citoyenne reste en état d’alerte et c’est cela qui pansera la plaie béante qu’est la corruption en très démocratique République Démocratique du Congo.

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