République Démocratique du Congo et Vénézuéla: faut-il vraiment les comparer ?

par Amory Lumumba 3 Avr 2019

Ne vous êtes vous jamais demandé pourquoi la communauté internationale adopte des comportements différents face à des situations semblant nécessiter le même niveau d’intransigeance morale ?

République Démocratique du Congo (RDC), Vénézuela. Deux géants continentaux … du passé !

Le Vénézuéla, membre fondateur de l’organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), possède les plus vastes réserves de pétrole du monde. Fort de cet atout, le pays est devenu le plus grand exportateur de pétrole dans le monde dès 1928, et en 1950, le pays était 4ème mondial en terme de PIB/habitant !

Coltan – RD Congo

La République Démocratique du Congo, quant à elle, hébergerait environ 50% des réserves mondiales connues de coltan, métal indispensable à l’informatique moderne que l’on ne présente plus. Concernant le sous-sol de notre beau pays, les richesses minérales sont telles que la RDC est souvent qualifiée de “scandale géologique” -;tant et si bien qu’il  s’agit de l’unique pays où il est possible de… trébucher sur un diamant! Ouch. En 1960, la RDC était à la proue économique du continent, forte du 3ème PIB d’Afrique, juste derrière le Nigéria (2ème) et l’Afrique du Sud ségrégationniste (1er) selon les chiffres de la Banque Mondiale.

Loin de la gloire du milieu du siècle dernier, les économies de ces deux pays se sont écroulées à des moments différents et dans des circonstances différentes, pour des raisons qui mériteraient chacune des articles dédiés. Toutefois, elles semblent tristement partager un mal commun : la mauvaise gouvernance.

Aujourd’hui, nul ne peut ignorer la détresse dans laquelle cette descente aux enfers a plongé les classes les plus vulnérables de ces deux Etats dont les populations échangeraient sans hésiter les richesses de leur sous-sols contre un peu de dignité.

Deux crises de légitimité … aux issues opposées !

Juan Guaido – Radio Canada

Au Vénézuela, la crise de légitimité commençait en  mai 2018, dans une élection au taux de participation plus que modeste (32.3% pour le Vénézuela contre 47.46% pour la RDC dans les élections de décembre 2018). Dans une ambiance de soupçons d’achats de voix par le gouvernement, le président vénézuélien sortant, Maduro, fût réélu dans un scrutin en partie boycotté par l’opposition.

Immédiatement, les États-Unis, le Canada ainsi qu’une douzaine de pays d’Amérique du Sud montaient au créneau en affirmant ne pas reconnaître les résultats des élections.

C’est ainsi que le 1er Ministre Canadien Trudeau affirma fin janvier:

« La Communauté Internationale a reconnu que ce n’était pas des élections justes et libres ! Ainsi, le Vénézuela n’a pas de Président en ce moment car Maduro n’est pas le Président du Vénézuela aux yeux du Monde et des Vénézuéliens. »

Global News YouTube – 31/01/2019

La Constitution vénézuélienne prévoit en son article 233 que le Président de l’Assemblée Nationale doit prendre la tête de l’État en cas de vacance du pouvoir afin d’organiser de nouvelles élections. Pour s’appuyer sur cette disposition, le 1er Ministre Trudeau choisit de considérer les élections vénézuéliennes caduques en arguant que les fraudes observées pendant le processus justifient pareille interprétation.

C’est ainsi que Juan Guaido, 35 ans, président de l’Assemblée Nationale s’auto-proclama président de la République (par intérim) le 23 janvier 2019 devant des dizaines de milliers de partisans à Caracas. Une stratégie pleine de culot qui lui a néanmoins permis la reconnaissance d’acteurs majeurs de la communauté internationale.

Tandis que les Etats-Unis et le Canada reconnurent immédiatement la légitimité du président par interim, plusieurs capitales européennes (Paris, Madrid, Berlin, Londres, Amsterdam et Lisbonne) lancèrent un ultimatum au président Maduro dès le 26 janvier pour l’organisation de nouvelles élections. Face à l’entêtement du successeur d’Hugo Chavez, chacun de ces pays finirent par reconnaître la légitimité de la démarche de Juan Guaido.

Le bras de fer se poursuit mais le rapport de force a bel et bien changé de camp.

Comme un vague souvenir…

Lorsque, le Ministre belge des Affaires Étrangères Didier Reynders, qualifia le processus électoral en RDC de « chaotique » début janvier.

Lorsque, dans des propos remettant en cause les soupçons d’arrangements entre Kabila et Tshisekedi, son collègue français Jean-Yves Le Drian qualifia l’élection en RDC d’ « espèce de compromis à l’africaine » sur l’antenne de RFI début février.

Lorsque, vînt ensuite les révélations du prestigieux Financial Times, qui ajouta la preuve là où les soupçons interpellaient l’opinion internationale sur la direction fallacieuse que prenait ces élections.

Lorsque, l’Union Européenne, l’Union Africaine et la SADC recommandèrent prudemment de ne pas annoncer de gagnant et de procéder à un recompte des voix.

Lorsque, la Cour Constitutionnelle déclara Felix Tshisekedi vainqueur le 20 janvier 2019 en plein milieu de la nuit.

Lorsque, les mêmes membres de cette communauté internationale s’empressèrent de reconnaître le vainqueur désigné …

Cynique.

Vénézuela oui, RDC non : dis moi qui te soutiens…

Qui te soutiens ?

Le concept de communauté internationale ne sert qu’à donner l’illusion qu’une entité morale raisonne ce grand chaos que constitue le concert des nations. En réalité, très peu de pays ont un réel poids dans ce grand jeu d’échec.

Au Vénézuéla, l’ancien président Hugo Chavez, dans son désir d’atténuer la dépendance de son pays vis à vis des Etats-Unis (1er importateur de pétrole Vénézuélien), orienta ses exportations vers la Russie, Cuba et la Chine dès son arrivée à la tête du pays. En continuant sur cette lignée, Maduro conforta les Etats-Unis dans leurs envies de se mêler de la cuisine interne du voisin du sud.

Tandis que les États-Unis passent pour les défenseurs de la démocratie, ils s’assurent de retrouver un partenaire lui assurant une source de pétrole fiable et à proximité en se rangeant derrière Juan Guaido, au grand désarroi de la Russie et de la Chine, derniers défenseurs du régime de Maduro. D’un point de vue domestique, la gestion des flux de réfugiés vénézuéliens inquiète et Donald Trump en est parfaitement conscient.

Contexte régional

L’absence d’une puissance mondiale à ses côtés peut parfois être compensée par une dynamique régionale, jeter un oeil à la géographie des soutiens peut donner des éléments de réponses sur les chances de succès d’un acteur en cas de crise de légitimité.

Pas moins de 12 pays d’Amérique Latine (dont l’Argentine, le Brésil et le Mexique) se sont positionnés contre le régime Maduro, certains par conviction, d’autres par peur de devoir continuer d’accueillir les vagues de réfugiés fuyant l’économie détruite du Vénézuéla (près de 834 000% d’inflation – novembre 2018). Jusqu’ici, cela fonctionne.

En Afrique, le panafricanisme se traduit souvent par une indulgence complice couplée d’une solidarité sans faille entre leaders autoritaires.

C’est ainsi que l’Afrique du Sud laissa le président soudanais Omar El Béchir, visé par un mandat d’arrêt international, se dégourdir paisiblement les jambes sur son sol en 2015. Mohammed VI, lui, accueille aujourd’hui avec faste le président convalescent gabonais Ali Bongo comme son royaume le fît pour son homologue Joseph Mobutu avant que celui-ci ne s’y éteigne des suites d’un cancer de la prostate.

Absence de solidarité régionale en faveur de la démocratie combinée à l’absence de nations d’envergures à son chevet, le Congo n’a pu bénéficier de l’empathie des grands de ce monde au même titre que le Vénézuéla.

En Afrique, l’Europe tient le leadership au vu de son passé (présent?) colonial. Sa tolérance sélective y est fonction de ses intérêts. Faut il interpréter la main tiède des leaders de ce monde comme la confirmation que certains intérêts ne sont pas menacés par le “nouveau” pouvoir ? L’analyse ne peut souffrir de naïveté, non,  les Etats n’ont pas d’amis.

République Démocratique du Congo et Vénézuéla, faux jumeaux aux destins bien différents.

Amory Lumumba

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