Face à un bilan catastrophique et une situation sécuritaire qui s’est détériorée sous son mandat, Félix Tshisekedi semble parier sur la fraude électorale et la répression pour se maintenir au pouvoir après les élections de 2023. Retour sur un fiasco.
Acte I : Amnésier l’opinion publique
Le rythme effréné de la scène politique congolaise et le peu d’attention dédié aux problèmes de fond alimentent une forme d’amnésie collective. Le gouvernement congolais exploite habilement la situation, surtout pour faire oublier sa faillite sécuritaire. Car, si ce dernier se pose aujourd’hui en rempart de l’intégrité territoriale, c’est bien le gouvernement qui est à l’origine de l’agression dont il s’offusque. Il suffit d’un petit retour en arrière pour s’en apercevoir.
Le Lundi 28 Mars 2022, le général Sylvain Ekenge, porte-parole du gouverneur militaire de la région du Nord-Kivu organise une conférence de presse et présente deux rebelles capturés. Il les accuse ouvertement d’être de connivence avec le Rwanda voisin. Curieusement, dans la foulée, le général est menacé par sa hiérarchie à Kinshasa et ses prérogatives comme porte-parole lui sont retirées. Le lendemain, le ministre de la communication Patrick Muyaya est interpellé sur la question dans une interview sur TV5. Il finit par employer le conditionnel pour corroborer les propos du général inquiété par son propre gouvernement et conclut “nous voulons regarder le Rwanda comme un pays partenaire, comme nous regardons l’Ouganda”. La formule de Muyaya laisse perplexe.
En effet, malgré un tollé général dont je me suis déjà fait l‘écho sur IntelCongo, l’armée ougandaise était invitée en 2021 par l’administration Tshisekedi à se déployer sur le sol congolais malgré les griefs des congolais à l’encontre de cette force. Notamment son passif macabre en RDC. Officiellement, le but de l’opération de 2021 est d’en “finir avec les ADF”, un groupe rebelle d’origine ougandaise, qui sème la désolation principalement au Congo. Dans les faits pourtant, les Ougandais se contentent de repousser la menace loin de leur frontière, causant la déstabilisation de territoires congolais qui n’avaient pas été menacés auparavant.
Quelques mois plus tôt déjà, avant l’expérimentation militaire ougandaise, plusieurs observateurs avertissaient “le fils du Sphinx” sur les dangers de la signature d’accords tous azimuts avec le Rwanda, allié historique de l’Ouganda. L’ouverture de l’espace aérien congolais à Rwandair ainsi que d’autres arrangements qui n’ont pas été rendus publics concernant l’exploitation des ressources naturelles à l’Est du pays n’ont pas permis de rassurer, bien au contraire. Cette succession d’erreurs que certains qualifient de “haute trahison,” a été habilement étouffée par la superposition d’annonces médiatiques vides de substances. Les promesses sont légion. Tantôt le lancement de chantiers imaginaires, tantôt l’arrivée imminente d’investisseurs que l’on continue d’attendre. Mais la vérité a la peau dure.
Récemment, la nature des arrangements nébuleux avec le Rwanda a été révélée par le désormais ex conseiller spécial de Mr. Tshisekedi, Fortunat Biselele, lors d’une interview qui en dit long sur le bradage des richesses du pays. Face à la caméra, pince sans rire, Biselele résume la proposition de Tshisekedi à Kagame en ces termes: “j’ai des minerais chez moi qui vous intéressent, vous avez la possibilité avec votre carnet d’adresse de contacter les investisseurs.” Sous entendu : nous sommes financièrement illettrés, arrêtez de nous piller et de nous faire la guerre, faisons du troc. Au-delà de l’incompétence qu’impliquent ces propos et de leur caractère insultant pour les Congolais, on se demande surtout à quoi ont servi les centaines de voyages de Felix Tshisekedi pour “chercher des investisseurs” au frais du contribuable.
En réalité, les propos de Bisele illustrent un constat sans appel : en 4 ans, l’amateurisme au sommet de l’Etat a dangereusement fragilisé le pays. Pour preuve, il s’est avéré que les rebelles accusés par le général sanctionné par Kinshasa sont non seulement des supplétifs du Rwanda que Tshisekedi s’est attelé à cajoler, mais qu’ils utilisent également le territoire du “partenaire” Ougandais comme base de repli et y ont même bénéficié d’un soutien logistique. Ce soutien ougandais aurait été déterminant lors de la prise de Bunagana situé à la frontière entre les deux pays.
Pour prendre la mesure de l’absurdité des choix de Tshisekedi, imaginez un instant deux scénarios parallèles. Le premier, le président ukrainien Volodymyr Zelensky qui offre les richesses de la partie orientale de son pays à Vladimir Poutine et un accès privilégié au ciel Ukrainien à Aeroflot, la compagnie nationale Russe. Le deuxième, le même Zelensky qui invite l’armée biélorusse d’Alexandre Loukachenko, allié de la Russie, à se déployer dans le nord de l’Ukraine. Ubuesque me dirait-on. Ce qui se passe en RDC y ressemble pourtant comme deux gouttes d’eau.
Acte II : Trouver un bouc émissaire pour masquer sa faillite sécuritaire
Si l’on suit le cheminement des événements, il ne fait aucun doute que le gouvernement congolais a contribué à l’aggravation de l’environnement sécuritaire. Tout d’abord, par l’absence de réforme profonde de l’armée après 4 ans au pouvoir. Ensuite, par l’absence de volonté de mettre à disposition des ressources financières adéquates au service de l’armée. Enfin, en donnant un accès militaire sur une vaste étendue du territoire national à une armée ougandaise de facto allié du M23 de part son appui logistique.
Mais comme à son habitude, le régime s’évertue à brouiller les pistes pour masquer ses carences. Il se décharge de sa responsabilité sécuritaire en identifiant un bouc émissaire idéal, la MONUSCO. En effet, profitant du ras le bol général contre la force onusienne, perçue comme inefficace après plus de 20 ans sans résultat palpable, la coalition au pouvoir initie habilement une vague de contestation sans précédent contre les casques bleus par l’entremise du président du Sénat, Bahati Lukwebo. Objectif : faire subtilement oublier l’échec de l’État de siège, les dégâts causés par l’opération conjointe avec l’Ouganda et la politique douteuse de rapprochement économique avec Kigali. Certes, la mission onusienne a de nombreux défauts, mais il est intellectuellement malhonnête de suggérer qu’elle devrait se substituer à une force régalienne.
Plus récemment, c’est derrière le régime de notification de l’approvisionnement en armes de l’ONU que l’administration Tshisekedi s’est cachée pour faire croire à la masse que le manque de matériel de l’armée ne lui était pas imputable. Pourtant la réalité sur la corruption endémique au sein de l’armée et les détournements de vivres et primes des soldats à répétition balaye d’un revers de la main les prétextes du gouvernement congolais.
Acte III : Institutionnaliser l’entrée des loups dans la bergerie
C’est dans ce contexte de cacophonie générale que Félix Tshisekedi décide d’enclencher de manière précipitée l’adhésion de la RDC à la Communauté d’Afrique de l’Est. Et ce, alors que celle-ci compte en son sein des Etats comme l’Ouganda et le Rwanda, indexés internationalement pour le pillage des ressources naturelles du Congo ou le soutien à des groupes rebelles comme le M23. Ici la formule est toujours la même, un nouveau narratif pour faire avaler une énième pilule aux Congolais. Cette fois-ci la sécurité du pays n’est pas sous-traitée à un pays mais elle l’est à une force régionale composée des armées des pays membres de l’EAC sous le commandement opérationnel du Kenya. Rappelons au passage que c’est au Kenya que Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe avaient formalisé leur accord dit de Nairobi sous le parrainage du Président kényan de l’époque Uhuru Kenyatta. Ce dernier étant devenu entre-temps facilitateur du “processus de paix”, allant même jusqu’à réconforter les populations civiles en lieu et place des officiels congolais. Parallèlement, les banques Kenyanes ont mis la main sur une partie gigantesque du système bancaire national, ce qui soulève d’importantes questions d’ordre de souveraineté économique. La RDC est non seulement otage de dirigeants incompétents, mais il faut désormais se demander si nous ne sommes pas devenus par la même occasion la première colonie Panafricaine.
Act IV : On a touché le fond, et après?
Le régime congolais a, 4 années durant depuis l’arrivée de Tshisekedi au pouvoir, exhibé une succession de narratifs qu’il a tenté de substituer à la réalité. Ses orientations stratégiques ont affaibli le pays. Par naïveté ou à dessein ? L’histoire le dira. Aujourd’hui encore, à l’approche des élections, l’architecte de cette situation, Felix Tshisekedi, affirme à qui veut l’entendre que ce qui aurait pu être fait hier le sera miraculeusement demain. Mais la réalité empirique est la limite naturelle du mensonge. De Bunagana à Kinshasa, les Congolais constatent chaque jour un peu plus l’absence de vision d’un homme qui n’est manifestement pas à la hauteur des enjeux multi dimensionnels auquels le pays est confronté. Au point où nous en sommes, l’honneur voudrait que Monsieur Tshisekedi prenne congé du pouvoir avant que la situation ne se détériore davantage.